J'ai toujours ressentis ma plus grande santé mentale dans le constat de la fragilité du nerf de la vie. Entre autre dans le rejet d'une proposition de liberté définie par le dépassement de ma nature biologique (par exemple des promesses religieuses de vie après la mort) et un véritable manque dans une proposition de liberté qui serait indépendante de tous mes instincts et capable de les dominer, comme le font la plupart des morales et des autocensures. Cette série sur le thème "Dionysos : du double narcissique à l'inconscient collectif" fait face à ce manque et d'autre part à sa fragilité, et au lieu de sombrer, j'en parle et construis la conscience de mon humanité en dépit des forces aveugles, énigmatique, violentes, douloureuses, incompréhensibles, où d'ailleurs souffrance et plaisir peuvent être confondus. Il y a d'abord le constat dionysiaque qui n'est pas que le fait de mystère et de transes extatiques obtenues par le vin ou autres drogues. L'union de Dionysos avec la nature n'a rien d'idyllique, elle en intègre au contraire tout, autant sa luxuriance que son état cruel et sanglant. Cette série de peintures, en ce qu'elle suit des traces de la transe dionysiaque, se situe antérieur aux échanges, elle n'est pas une recherche d'une beauté clairement appréhendée et dite sublimement. Nous serons d'accord qu'il n'est pas naturel, lorsqu'on est en proie à une émotion extrême, de l'exprimer par des phrases sublimes. Cette série n'est pas non plus une ruse vis à vis de mes aliénations, elle n'est pas un maquillage, elle est une véritable consolation conduisant à une forme d'équilibre, un plaisir d'exister mais parmi les luttes et les exigences.
Ce qui est surement agréable c'est que je ne pars de rien - il semble nécessaire vider les lests jusqu'au bout - la poésie étant comparable à un alizé plus ou moins languide mais qui revendique sur la longueur le non-sûr, le non-garanti, le non-prouvé par quelques moyens que ce soit, la raison, nécessaire par ailleurs ne la rattrape jamais sur son terrain. Mais quelque chose finit par se rejoindre, un peu comme les manches à air qui nous prouvent qu'il y a du vent, même lorsqu'on le ressent par nous même, et que malgré tout on n'en est pas sûr. L'essentiel du miracle artistique étant la ferveur rien ne peut par nature se contenter de le prouver. Nous sommes promenés par quelque chose et c'est cela la récompense suprême des efforts, des remises en cause, des exigences, des désespérances et des exaltations, bref, de toutes ces choses irraisonnables, mais tellement humaines.
Dionysos : du double narcissique à l'inconscient collectif