Penser le monde, peut-être. Poser ses visions du monde au cœur du processus de création, sûrement. D’un côté la peinture contient en elle-même la totalité de son discours et on pourrait s’en contenter - sous couvert de l’indicible. Mais c’est justement cet indicible qui doit être disséqué. Il faut réamorcer les espaces, la muette doit briser le silence. Rien n'explique la pensée visuelle mais elle est capable de tout expliquer. Dans sa charge compacte, elle est un noyau de flux et d’intensité qui rompt la digue pour laisser le silence s’évacuer en masse et tout ratiboiser sur son passage. Je me réveille. La violence du nouveau réel c’est le néant solide et sec qui s'oppose à l'humidité des possibles. La toile est sèche, la peinture humide. J’ai décidé cet après-midi - demain est un autre jour - de promouvoir arbitrairement sur mes toiles une urbanité usuelle. Je désire réinventer toutes ces œuvres, tous ces murs créés par un inconnu qui gratte avec un canif, qui écrit des mots, qui dessine des discours. Il y a aussi ce panneau publicitaire que je vais remettre en place en le faisant échapper à sa « pro-so-po-pée ! » Ha ! Ha ! Ha ! Ca va où tout ça ? Je m’en tape ! Fichez moi la paix ! J’y suis : Ce sont les faibles, les maladroits, qui donnent ardeur à la beauté. Là où l’habileté de l’artisan trouve sa justification dans la belle queue d’aronde bien jointe, le singulier déniche dans les fentes, dans les hiatus qui témoignent de la vie encore présente et nerveuse de la planche dégauchie, une belle poussière… agglomérée par la crasse… qui dégage la main des ornières du travail bien fait ! - comme on l’enlève vite fait à l’approche de la lame d’une scie circulaire.
En matière de création, le fantôme de la certitude doit être chiffonné ! - en force ! Je chiffonne. L’intelligence est le cancre du convenu J’invente.— La singularité est un hachoir implacable du fil trop joliment tendu à l’adresse des funambules. Je détruis. Les méandres du cerveau : La souplesse reptilienne d’une rivière où ricochent les reflets chargés de sens, qui seuls rendent à ces quelques centimètres carrés de toile, l’éclaircie à leurs parts obscures. Je trouve… La part obscure, le dark side, c’est en ville, là où tout se passe, l’homme n’est pas un animal ou une plante, il vit au delà d’un environnement, il vit dans un monde ! Et ce monde il s’en fout jusque là ! Avec son canif, son Posca, et ses pub que détournent les sourires édentés… Ha que c’est beau toutes ces couleurs à la con et tous ces mots pervers qu’il faut détourner et faire échapper de leur taule… Viva ! Viva !
Jacki Maréchal (c)